Une nouvelle molécule dans la maladie de Crohn

On a remarqué depuis longtemps que les personnes infectées par des parasites étaient moins atteintes de maladies auto-immunes... Différentes études épidémiologiques et expérimentales ont suggéré qu’ils pouvaient exercer un effet bénéfique sur les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

L'équipe du Professeur André Capron a permis l'identification il y a une trentaine d’années, d'une protéine enzymatique produite par un parasite (schistosome) possédant des propriétés anti-inflammatoires et immunogéniques puissantes : la P28GST. Celle-ci a été utilisée dans le cadre d’une stratégie vaccinale en Afrique contre la bilharziose avec une innocuité et une très bonne tolérance, y compris chez les enfants.

Il a fallu attendre 2011 pour que le groupe de recherche dirigé par le Pr Monique Capron démontre que la P28GST avait des effets anti-inflammatoires puissants sur l’intestin, aussi bien sur les lésions observées que sur les marqueurs de l’inflammation (dont le TNF et l'IL-17) dans un modèle de colite chez les Rongeurs.

Les chercheurs ont alors émis l'hypothèse que le traitement des patients atteints de Maladie de Crohn par cette protéine pourrait diminuer l’inflammation, et allonger ainsi les périodes de rémission.

Ce travail remarquable a poursuit son chemin avec la mise en place du premier essai clinique appelé ACROHNEM. Etude pilote de Phase 2, ouverte et non comparative, elle vise à tester la tolérance de la P28GST chez des patients adultes atteints de maladie de Crohn venant de subir une première résection iléale ou iléo-colique.

Il s’agit d’une avancée majeure porteuse d’immenses espoirs thérapeutique non seulement pour les dizaines de milliers de malades atteints de MICI mais également pour tous ceux porteurs d'autres pathologies inflammatoires comme les maladies auto-immunes.

 

 

capron 88 copieInterview du Pr. Monique Capron
Professeur à l'université de Lille Droit et Santé, Praticien Hospitalier au CHRU de Lille

Comment vous est venue l'idée d'utiliser cette protéine parasitaire, la P28GST dans le cadre des MICI après avoir travaillé pendant si longtemps sur la bilharziose?
Quand j’ai rejoint l’équipe de P Desreumaux et JF Colombel, fin 2009, quelques publications suggéraient que l’infection des rongeurs par les schistosomes, parasites responsables de la bilharziose, pouvaient protéger contre la colite inflammatoire. Or dans notre laboratoire à l’Institut Pasteur de Lille, nous avions identifié chez les schistosomes une protéine enzymatique, la P28GST, douée de propriétés inflammatoires et qui était déjà passée en essais cliniques pour démontrer son absence totale de toxicité. Nous avons donc imaginé qu’elle allait exercer à elle seule les mêmes propriétés que le parasite entier, en étant évidemment beaucoup plus facile à produire et à administrer aux patients. Ce fut une très bonne idée !

Quels peuvent être les débouchés thérapeutiques ?
Les débouchés sont considérables, l’immunisation par la P28GST pouvant représenter une nouvelle stratégie immunothérapeutique visant à empêcher ou limiter les récidives dans la maladie de Crohn. Un essai thérapeutique est en cours, le protocole ACROHNEM (Anti CROHN Enzymatic Molecule), afin de vérifier la tolérance chez des patients atteints de Crohn et l’effet sur l’apparition de récidives post-opératoires.
Dans les modèles animaux, l’effet de l’immunisation par P28GST est de diminuer le taux de TNF mais aussi d’autres marqueurs de l’inflammation tout en rééquilibrant le système immunitaire. Cette stratégie a donc un spectre d’action plus large que celui des anti-TNF, le traitement de référence actuel et pourrait être d’une plus grande efficacité chez les patients réfractaires aux anti-TNF, tout en étant beaucoup moins coûteux

Comment aller plus vite dans le développement de la molécule ?
Le développement de la P28GST, une molécule entièrement issue de la recherche académique régionale, nécessite la mise en place rapide de phases cliniques sur un plus grand nombre de patients. L’information et le volontarisme des gastroentérologues et des patients des régions concernées puisque le protocole est multicentrique (Lille, Valenciennes, Dunkerque, Boulogne sur mer et Béthune mais aussi Amiens et Rouen) devrait favoriser l’accès aux patients de cette nouvelle thérapeutique et accélérer son développement.

 

Références

Mucosal Immunology advance online publication 15 July 2015; doi: 10.1038/mi.2015.62
The schistosome glutathione S-transferase P28GST, a unique helminth protein, prevents intestinal inflammation in experimental colitis through a Th2-type response with mucosal eosinophils
V Driss, M El Nady, M Delbeke, C Rousseaux, C Dubuquoy, A Sarazin, S Gatault, A Dendooven, G Riveau, J F Colombel, P Desreumaux, L Dubuquoy and M Capron
Correspondence: M Capron, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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